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« Errance sans retour » : un regard humaniste et minimaliste sur les réfugiés rohingya du camp de Kutupalong, au Bangladesh

L’AVIS DU « MONDE » – POURQUOI PAS
Birmanie, sa junte sans fin, son degré zéro de liberté démocratique, ses guerres ethniques endémiques. Sur ce dernier point, la récente tragédie des Rohingya. Un groupe de 1,4 million personnes, de confession musulmane, vivant dans le nord-ouest du pays, dans l’Etat d’Arakan. Minorité de longue date ségréguée, déchue de sa nationalité en 1982, et qui voit en son sein apparaître, en 2013, le Mouvement pour la foi, rebaptisé, en 2016, Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA).
Un mystérieux groupe armé qui passe à l’action contre l’Etat, sans reconnaître publiquement l’obédience islamiste dont l’accuse ce dernier. Plusieurs coups de main meurtriers ont lieu, qui déclenchent des représailles de très forte ampleur, lesquelles ont pour effet de chasser, en 2017, la moitié de cette minorité menacée, environ 700 000 personnes trouvant refuge au Bangladesh frontalier. Dans la foulée, c’est au tour de la minorité arakanaise elle-même de faire sécession, ajoutant au chaos qui déchire le pays.
Tel est le contexte dans lequel s’inscrit ce documentaire canadien, tourné en 2020 dans le camp de réfugiés de Kutupalong au Bangladesh, contexte qu’il faut d’autant plus rappeler que le film lui-même fait l’économie de toute approche politique. Créé dès 1992 pour accueillir la population rohingya, il s’est agrandi, au cours des années, en une sorte d’immense bidonville soumis à une forte pression du gouvernement bangladais pour quitter les lieux et s’installer sur une île voisine, dont la viabilité n’est pas acquise. Face à une telle tragédie, Errance sans retour se situe par voie de conséquence sur une zone cinématographique dangereuse, tant les possibles travers sont nombreux quand il faut évoquer de telles souffrances humaines.
Ses auteurs ont choisi, à cet égard, une voie médiane, à la fois humaniste et minimaliste. Deux plans s’y répondent, qui conjuguent subjectivité narrative et chronique visuelle. Ici, la voix off d’un jeune homme nommé Kala, qui évoque, à mots comptés, l’histoire de l’exil familial, les persécutions, la fuite, la dureté de la vie au camp, l’espoir conservé, malgré tout, d’une vie meilleure. Là, par vignettes additionnées, la misère collective d’une vie menée dans des conditions de dégradation et d’indécence semblables. Masures précaires, pluies diluviennes, boue permanente. Et cependant, des moments d’espoir ténu, qui disent que la vie continue. Enfants au cerf-volant, adolescents footeux, jeune fille qui se maquille.
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