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« Qu’est-ce qu’un auteur mondial ? Le champ littéraire transnational », de Gisèle Sapiro, EHESS/Gallimard/Seuil, « Hautes études », 480 p., 25 €, numérique 17 €.
Nous aimons débattre sur la mort de la littérature française. Les uns y voient le juste effet d’un inexorable reflux national. Les autres lui opposent la vitalité de la littérature contemporaine. Mais tous s’entendent pour déplorer la disparition de nos grands auteurs, les Gide, les Malraux ou les Sartre, dont la gloire ne connaissait pas de frontières.
Or, note la sociologue Gisèle Sapiro dans Qu’est-ce qu’un auteur mondial ?, le débat nous vient en grande partie des Etats-Unis, où les termes fixés nous sont nettement défavorables. Et pour cause : la traduction y correspond à près de 3 % des nouveautés publiées en anglais, là où elle représente plus de 18 % dans le champ éditorial français. Une grande partie de ces traductions concernant qui plus est des classiques, ce que l’on croit être le simple constat d’un déclin relève donc, faute d’œuvres disponibles, de la prophétie autoréalisatrice, à même d’entraîner ce qu’elle prétend diagnostiquer en toute objectivité.
A quel moment et à quelles conditions un auteur peut-il être qualifié de « mondial » ? Dans La Responsabilité de l’écrivain (Seuil, 2011), Gisèle Sapiro analysait la manière dont, de Baudelaire à Céline, les écrivains avaient adapté le droit et la morale aux valeurs du milieu littéraire. Le recours à une sociologie de la traduction lui permet aujourd’hui de changer d’échelle et de passer du national au mondial afin d’analyser la répartition profondément inégale du capital économique et symbolique entre les langues.
Prenons le cas des festivals internationaux ou celui des prix littéraires, étapes incontournables dans la légitimation des écrivains au-delà de leurs sphères d’origine. Les premiers reposent sur le charisme particulier qu’entraîne leur présence physique, forme d’incarnation d’une figure jusqu’alors abstraite. Les prix, qu’ils soient nationaux ou mondiaux comme dans le cas du prix Nobel, dotent les impétrants d’un capital symbolique et médiatique convertissable en traductions, et donc en parts d’audience à l’étranger. Toutefois, l’accès à d’autres langues, et par ce biais à une consécration mondiale espérée, n’a rien d’automatique, et cela précisément parce que la circulation des échanges transnationaux s’effectue de manière moins horizontale, de langue à langue, que verticale, des langues dominantes – l’anglais désormais – vers les langues dominées.
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